Septem Antiphonae Majores (2017)

pour choeur SSSAATBaB

Entrecoupé des Cinq interludes pour les Grandes "Ô" de l'Avent pour viole de gambe

 

enregistré le 25 novembre 2017,

à la chapelle Saint Louis-Saint Bruno à Lyon (69001)

festival les Rendez-vous de Musique ancienne de Lyon

Ensemble Alkymia
direction: Mariana Delgadillo Espinoza

AVANT-PROPOS

 

Les Septem Antiphonae Majores, les sept antiennes majeures (ou les grandes antiennes « Ô » de l’Avent) sont situées dans le calendrier liturgique chrétien sept jours avant Noël. Ces textes laissent transparaitre l’ardent désir de la venue du Messie à travers des louanges et des supplications appuyées, signes d’une espérance puissante. Toutes les antiennes sont structurées selon une tripartition rigoureusement identique. D’abord, le futur Seigneur est nommé soit par ces titres christologiques – Adonai, Emmanuel – soit par un symbole – Radix Jesse (rameau de Jessé), Sapienta (sagesse) – précédé par l’interjection « O » placée en tête de phrase, caractéristique d’une interpellation exaltée. Ensuite, ce titre (ou ce symbole) est suivi d’une proposition relative qui énumère les grâces et les actions christiques. La phrase se termine par un appel à la naissance du Messie rédempteur, toujours introduit par le terme veni (viens).

 

Ces antiennes qualifient, décrivent et appellent mais elles ne racontent pas : les indications temporelles sont inexistantes et le seule verbe conjugué, « viens », sert d’appel. S’il y avait un temps à percevoir, ce serait celui de l’attente car aucune progression narrative n’est sensible d’une antienne à l’autre. Ainsi, la conception musicale essaie de rendre compte de cette attente et privilégie, comme pour le texte, un travail sur la notion d’espace. Sur le plan structurel, la tripartition du texte initial est dissoute. La première partie (le titre ou le symbole) est chantée et très largement développée alors que les deux autres sont déclamées ou chuchotées et éparpillées, intercalées ou diluées dans cette omniprésente partie chantée. Sans dramaturgie particulière et sans narration, la musique est concentrée autour de principes qui mettent en exergue l’espace. La disposition scénique change pour chaque antienne et propose une spatialisation variée du son. En ce sens, les techniques d’écriture déploient cette spatialisation stéréophonique mais aussi la profondeur (proche, lointain) et de nombreux autres espaces (intensité sonore, densité harmonique, tessiture, etc.) matérialisés par des effets d’échos, de réverbérations, de vibrations et de variations de timbre (par la transformation progressive de la sonorité des voyelles). De manière générale, cette pièce musicale a pour unique obsession d’exalter l’espace ; il s’agit presque d’une étude spatiale de la choralité. Le contexte, l’attente de la naissance du Christ, et le travail sur la sonorité des mots ont finalement plus d’importance que le sens du texte.

 

Si ces antiennes peuvent être chantées l’une après l’autre, elles peuvent également être entrecoupées de mes Cinq interludes pour les Grandes « O » de l’Avent pour viole de gambe. De cette façon, les transitions et en particulier les changements de position des chanteurs seront fluidifiés.

-O Sapientia

- premier interlude

- O Adonai

- deuxième interlude

- O Radix Jesse

- O Clavis David

- troisième interlude

- O Oriens

- quatrième interlude

- O Rex Gentium

- cinquième interlude

- O Emmanuel

Pour ces interludes, la problématique est la suivante : comment poursuivre le travail sur l’espace avec un instrument seul, où polyphonie et spatialisation sont difficilement exploitables ? Pour y répondre, j’ai tenté de mettre en avant les antagonismes vide / plein et continu / discontinu qui constituent des notions corrélées à l’espace. Ces techniques compositionnelles associées à l’utilisation de modes de jeu variés entraîne inévitablement certains paradoxes : par exemple, combiner du « plein » et du « continu » avec des pizzicatos secs et peu résonants est un défi très intéressant.

 

Je me réjouis que ces pièce soit créées par Nolwenn Le Guern, l’ensemble Alkymia et leur directrice musicale, Mariana Delgadillo Espinoza : l’excellence et la précision de leur travail rendra à coup sûr justice à cette ouvrage que je leur dédie tout naturellement.